Génie militaire : Général Thomas-Alexandre Dumas (1762-1806)

Un génie militaire oublié…

 
Né esclave le 25 mars 1762 à Jérémie, dans la colonie française de Saint-Domingue (aujourd’hui Haiti), Thomas-Alexandre Dumas était le fils du marquis Antoine-Alexandre Davy de la Pailleterie, aristocrate normand, et de Marie-Césette, africaine déportée. D’abord vendu par son père en réméré (un « bien » que l’on peut racheter à son prix de vente) contre un billet retour à destination de la France, il était finalement arrivé à Paris le 3 août 1775.

Thomas-Alexandre Davy de la Pailleterie, dit Alexandre Dumas, s’illustra dans une brillante carrière militaire. Général de division de l’armée française à la faveur de la Révolution, le premier général noir de l’histoire de France consacra sa vie aux valeurs de la République.

« Le plus grand des Dumas, disait Anatole France, c’est le fils de la négresse, c’est le général Alexandre Dumas de La Pailleterie, le vainqueur du Saint-Bernard et du Mont-Cenis, le héros de Brixen. Il offrit soixante fois sa vie à la France, fut admiré de Bonaparte et mourut pauvre. Une pareille existence est un chef-d’œuvre auquel il n’y a rien à comparer. »

En 1776, âgé de 14 ans, le Général Dumas s’engage dans le Régiment des dragons de la Reine (service spécial de la Reine Marie-Thérèse, créé le 14 septembre 1673). Lieutenant-colonel de la Légion des Américains, composée d’Antillais et d’Africains, en 1792; général, dès l’été 1793; il est appelé pour sauver la République lorsque éclate l’insurrection royaliste de 1795. Sur tous les fronts, de la guerre de Vendée aux campagnes d’Italie et d’Egypte, il démontre sa bravoure et son sens de l’honneur. À Bonaparte qui, en 1802, voulait envoyer le général mater la révolte des esclaves menée par Toussaint-Louverture à Haïti, il répondit :

« Citoyen Consul, vous oubliez que ma mère était une négresse. Comment pourrais-je vous obéir ? Je suis d’origine nègre. Je n’irai pas apporter la chaîne et le déshonneur à ma terre natale, et à des hommes de ma race. »

En juillet 1801, le général Dumas revient en France, affaibli par deux ans d’emprisonnement en Italie. Malgré ses faits d’armes, il n’est pas épargné par les mesures1 racistes restaurées par Bonaparte. Le 23 juillet « le diable noir », comme l’avaient surnommé les Autrichiens, est destitué de son grade de général de division. Sa solde annuelle ne s’élèvera qu’à 4 000 francs par an et les 28 500 francs d’arriérés ainsi que les 5 000 francs d’indemnités de captivité ne lui seront jamais versés.

Le général mourut dans le plus grand oubli le 26 février 1806 à Villers-Cotterêts, laissant derrière lui son épouse Marie-Louise Elizabeth Labouret (qualifiée de femme de couleur parce qu’épouse d’un Noir, elle n’eut droit à aucune pension) et leur fils âgé de 4 ans, Alexandre Dumas, qui deviendra le romancier français le plus lu dans le monde.

NOTE : En février 1906, à l’occasion du centenaire de sa mort, une statue du général Dumas fut érigée dans le 17e arrondissement de Paris, place du Général Catroux, anciennement Place des 3 Dumas (Général Dumas; Alexandre Dumas, auteur, entre autres ouvrages, des Trois Mousquetaires; Alexandre Dumas Fils, auteur de La Dame aux Camélias). Déboulonnée par les nazis en 1940, juste avant la visite de Hitler, et envoyée à la fonte, la statue n’était toujours pas réinstallée en 2006. Seul un nom gravé sur le côté sud de l’Arc de Triomphe, place de l’Étoile, rappelle le prodigieux destin de cet illustre personnage au sein de la nation française.

Sources :


1 Le 20 mai 1802, l’esclavage est rétabli dans les colonies. Le 29 mai, les officiers de couleur sont exclus de l’armée. Le 2 juillet de la même année, le territoire français est interdit aux « nègres ». Le 8 janvier 1803, le mariage est proscrit entre fiancés dont la couleur de peau est différente.